Quai Ouest, ou la traversée de l’Atlantique direction New-York et sa banlieue
Quelques extraits où l’on peut voir la musicalité, mais aussi l’humour de l’auteur :
Extrait 1 :
« CHARLES. ─ Le jour, la lumière me tient réveillé et la nuit, comme il fait noir, il faut ouvrir les yeux en grand pour voir ce qui se passe, et on ne peut pas dormir avec les yeux ouverts. » p. 32 Les éditions de Minuit
Extrait 2 :
« CÉCILE. ─ Arrête de penser et réponds-moi.
CHARLES. ─ Ou on parle, ou on pense, on ne peut pas tout faire.
CÉCILE. ─ Pour qui est-ce que tu penses ? Pour toi tout seul ou pour nous tous ?
CHARLES. ─ Je pense en général.
CÉCILE. ─ On est trop malheureux et pas assez riches pour penser.
CHARLES. ─ Il faut penser pour avoir un plan.
CÉCILE. ─ On n’a pas besoin de plan.
CHARLES. ─ Moi, il me faut un plan, pour faire quelque chose.
CÉCILE. ─ Tu ne fais pas de plan, tu dors.
CHARLES. ─ Je ne dors pas, je pense.
CÉCILE. ─ Alors dis-moi le résultat de cette pensée.
CHARLES. ─ Laisse-moi le temps d’abord. » p.39-40 Les éditions de Minuit
Extrait 3 :
« CLAIRE (après un temps). ─ Je suis très malheureuse.
FAK. ─ Si tu étais très malheureuse, tu ne dirais pas toujours non. Quelqu’un de très malheureux dit oui et quelqu’un qui dit non est toujours un peu heureux encore.
CLAIRE. ─ Pourtant je ne suis plus un peu heureuse du tout.
FAK. ─ Si c’était vrai, tu dois dire oui.
CLAIRE. ─ Oui.
FAK. ─ Quand, très précisément ?
CLAIRE. ─ Quand il fera très noir, peut-être, oui, que je dirai oui.
FAK. ─ Quand il fera noir, tu le voudras, vraiment ?
CLAIRE. ─ Complètement noir, oui, là, je le voudrai, vraiment.
FAK. ─ Je t’attendrai. (Il sort) p. 58 Les éditions de Minuit
Extrait 4 :
« CHARLES ─ […] D’ailleurs, tu ne comprends jamais ce que je te dis, et moi je ne comprends rien à ce que tu penses ; tu fais toujours comme je pense que tu penses que t’as pas envie de faire, et après, tu corriges ; c’est comme ça que je crois comprendre que tu marches ; mais tu ne pourras pas toujours corriger, moricaud. Finalement, je n’ai jamais rien vraiment compris, chez toi. Alors toi non plus, ne cherche pas à comprendre et reste là, reste tranquille.
De l’autre côté, là-bas, c’est le haut ; ici, c’est le bas ; ici même, on est le bas du bas, on ne peut pas aller plus bas, et il n’y a pas beaucoup d’espoir de monter un peu. Le plus haut qu’on montera, de toute façon, on ne sera jamais rien d’autre que le haut du bas. C’est pour cela que je préfère changer de côté, moricaud, je préfère aller là-bas ; je préfère être, là-bas, le bas du haut qu’ici, le haut du bas. Cherche pas à comprendre. » p. 60 Les éditions de Minuit
Extrait 5 :
« KOCH . ─ Je vous ai fait du mal, sans le vouloir je vous ai fait du mal ; parce que, parce que je suis un homme du monde, voilà tout, et vous, non ; la rencontre ne peut pas donner lieu à une noce. » p. 87 Les éditions de Minuit
Extrait 6 :
« CLAIRE. ─ Pourquoi tu ne me regardes même pas où je pose le pied ?
FAK. ─ Parce que c’est à toi de regarder où tu poses le pied et que je dois regarder ailleurs.
CLAIRE. ─ Pourquoi tu dois regarder ailleurs alors que tu es avec moi ?
FAK. ─ Parce que quand on fait quelque chose, il faut déjà penser à la suivante qu’on fera sinon tout va trop vite.
CLAIRE. ─ Tu m’avais dit que ça me donnerait tellement de plaisir de passer avec toi ici dedans.
FAK. ─ Oui.
CLAIRE. ─ Au point, tu m’avais dit, que je voudrais toujours passer avec toi.
FAK. ─ Oui.
CLAIRE. ─ Pourtant, je ne sens pas de plaisir, maintenant.
FAK. ─ Tu l’as déjà eu.
CLAIRE. ─ Quand ?
FAK. ─ Avant.
CLAIRE. ─ Quand, très précisément ?
FAK. ─ Quand je te demandais de passer avec moi là-dedans. » p. 88-89 Les éditions de Minuit
Extrait 7 :
« Je l’appelle bavard, menteur, fourbe, car lorsqu’il se réveille après un court somme il gémit, convoitant déjà une autre couche : si tu m’avais un peu en bonne grâce, si seulement tu te laissais une fois émouvoir par ma tristesse et mon dégoût de la vie, si au moins tu n’étais pas si cruel que, par pure méchanceté, tu me prives de l’ultime lieu de mon repos auquel tout être a le droit de parvenir, tu écouterais un instant ma prière et tu te laisserait attendrir, tu me faciliterais l’accès de ce lieu de repos, puisque je te promets que, dès que je l’aurai atteint, je ne convoiterai plus, je m’en tiendrai à celui-là, je m’y coucherai et jamais plu je ne quitterai les lieux, jamais plus tu ne m’entendras me plaindre. […] dit Fak». p.95-96 Les éditions de Minuit
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